Des contradictions et des paradoxes : les deux nous mettent devant de grands défis. Les contradictions, elles, sont comme un studio d’artiste tellement en désordre que nous ne pouvons rien y trouver. Il y est impossible d’être créatif parce que le désordre sape notre imagination. Les paradoxes, eux, sont aussi comme un studio en désordre, mais on finit par trouver nos pinceaux et peintures. Lorsque nous les trouvons, c’est souvent dans ces paradoxes que notre plus grande créativité s’épanouit.
Or, aux versets 1 à 13 du chapitre 16 de l’Évangile de Luc, Jésus nous raconte une parabole. Est-ce une contradiction ou un paradoxe ? Voici le récit :
Jésus dit à ses disciples : « Un homme riche avait un gérant et l’on vint lui rapporter que ce gérant gaspillait ses biens. 2 Le maître l’appela et lui dit : «Qu’est-ce que j’apprends à ton sujet ? Présente-moi les comptes de ta gestion, car tu ne pourras plus être mon gérant.» 3 Le gérant se dit en lui-même : «Mon maître va me retirer ma charge. Que faire ? Je ne suis pas assez fort pour travailler la terre et j’aurais honte de mendier. 4 Ah ! je sais ce que je vais faire ! Et quand j’aurai perdu ma place, des gens me recevront chez eux !» 5 Il fit alors venir un à un tous ceux qui devaient quelque chose à son maître. Il dit au premier : «Combien dois-tu à mon maître ?» — 6 «Cent tonneaux d’huile d’olive», lui répondit-il. Le gérant lui dit : «Voici ton compte ; vite, assieds-toi et note cinquante.» 7 Puis il dit à un autre : «Et toi, combien dois-tu ?» — «Cent sacs de blé», répondit-il. Le gérant lui dit : «Voici ton compte ; note quatre-vingts.» 8 Eh bien, le maître g loua le gérant malhonnête d’avoir agi si habilement. En effet, les gens de ce monde sont bien plus habiles dans leurs rapports les uns avec les autres que ceux qui appartiennent à la lumière. » 9 Jésus ajouta : « Et moi je vous dis : faites-vous des amis avec les richesses trompeuses de ce monde, afin qu’au moment où elles n’existeront plus pour vous on vous reçoive dans les demeures éternelles. 10 Celui qui est fidèle dans les petites choses est aussi fidèle dans les grandes ; celui qui est malhonnête dans les petites choses est aussi malhonnête dans les grandes. 11 Si donc vous n’avez pas été fidèles dans votre façon d’utiliser les richesses trompeuses de ce monde, qui pourrait vous confier les vraies richesses ? 12 Et si vous n’avez pas été fidèles en ce qui concerne le bien des autres, qui vous donnera le bien qui vous est destiné ? 13 « Aucun serviteur ne peut servir deux maîtres : ou bien il haïra le premier et aimera le second ; ou bien il s’attachera au premier et méprisera le second. Vous ne pouvez pas servir à la fois Dieu et l’argent . »
Contradiction ou paradoxe ? Le gérant est, de toute évidence, un fraudeur ! Pourtant, Jésus le félicite ! Est-ce une contradiction ? A première vue, oui ! Toutefois, il s’agit d’une parabole, ou si vous voulez, un récit fictif qui nous amène à regarder au-delà de nos idées préconçues. A vrai dire, Jésus y présente un paradoxe : il se sert d’une contradiction apparente afin de nous saisir d’une vérité profonde. La voici : notre Seigneur nous interpelle concernant comment nous gérons nos avoirs. Au fond, il dit qu’il y a un lien étroit entre votre foi en lui et la façon avertie dont vous gérez votre argent. Alors, je vous invite à y réfléchir sous le thème Croire et gérer de façon sensée.
Dans cette parabole, Jésus met dans la bouche du maître des paroles qui nous dérangent. Nous les trouvons au verset 8 : «Eh bien, le maître loua le gérant malhonnête d’avoir agi si habilement. En effet, les gens de ce monde sont bien plus habiles dans leurs rapports les uns avec les autres que ceux qui appartiennent à la lumière.» Voici ce que Jésus veut dire : souvent, ceux qui ne croient pas en lui sont plus prévoyants et avertis avec leur argent que ceux qui sont chrétiens. Pourquoi ? Parce que, comme Jésus dit à la toute fin du récit, au verset 13, tout dépend de qui est notre maître. Si l’argent est notre maître suprême – comme c’est le cas pour ce gérant – alors nous serons agiles, engagés et avertis dans notre façon de le servir, parce que l’argent est notre dieu.
Or, voici qu’arrive le paradoxe ! D’un côté, nous qui sommes croyants, nous savons que l’argent n’est pas notre Dieu et Sauveur. L’argent est comme une maison : inutile de l’aimer parce qu’il ne peut pas nous aimer en retour ! De l’autre côté – et voici le paradoxe – refuser d’aimer l’argent ne veut pas dire d’être irresponsables ou insouciants dans notre façon de le gérer ! Puis-je dire ce paradoxe autrement ? Si nous gérons l’argent sans rigueur, nous ne sommes pas en train d’honorer Dieu, mais plutôt en train d’aimer l’argent plus que Dieu qui nous le donne : «Vous ne pouvez pas servir à la fois Dieu et l’argent.»
Au fond, Jésus nous dit «Attention ! Le plus petit signe de votre confiance en moi, c’est la façon sensée dont vous gérez la chose la moins importante qui appartient à votre Dieu et Sauveur ! » Or, c’est notre façon de gérer nos avoirs qui nous prépare à assumer des responsabilités plus importantes dans la vie et surtout, au sein de l’Église. Autrement dit, si l’Église, elle, veut bien annoncer l’évangile au monde, il est d’abord si important de gérer son argent de façon avertie et irréprochable ! Jésus le dit ainsi au verset 11 : «Si donc vous n’avez pas été fidèles dans votre façon d’utiliser les richesses trompeuses de ce monde, qui pourrait vous confier les vraies richesses ?»
Est-ce ceci veut dire qu’être riche est toujours un signe d’une foi bien engagée? Non, il y a trop d’autres textes bibliques qui disent le contraire ! Par contre, une chose est certaine : la plus petite preuve que nous nous fions à Jésus pour notre vie, c’est notre effort de bien gérer l’argent et les avoirs qu’il nous confie. Autrement dit, celui ou celle dont le cœur est saisi par l’évangile fera un effort soutenu pour gérer de façon prévoyante et avertie. Pourquoi ? La grâce de Jésus ! L’évangile nous dit que tout dans la vie, et surtout notre pardon par Jésus, est un cadeau immérité de Dieu. Et combien ce cadeau a coûté cher à Dieu ! Il s’agit du don inestimable de Jésus lui-même ! Or, nous ressentons combien nous lui devons pour tout, y compris pour les choses les plus ordinaires de la vie. Mais comment, pratiquement, croire et gérer de façon sensée ?
… à suivre