Le pouvoir : levez les yeux vers l’autre – Matthieu 20, 25 à 28

Aujourd’hui, nous revenons sur une histoire déjà racontée dans un article précédant. En 1870, Lord Acton, homme politique chrétien d’Angleterre se rend au Vatican, à Rome. Sa mission ? En tant que Catholique romain engagé, il veut persuader les cardinaux réunis au Premier Concile du Vatican de ne pas adopter une nouvelle doctrine affirmant l’infaillibilité des déclarations du pape. Il échoue. Plusieurs années plus tard, dans une lettre écrite en 1887, il explique son opposition à cette décision en se servant d’une phrase jadis devenue célèbre : « Le pouvoir à tendance à corrompre, et le pouvoir absolu à corrompre absolument.»

« Le pouvoir a tendance à corrompre, et le pouvoir absolu à corrompre absolu-ment » laisse croire que le pouvoir est souvent synonyme d’abus. A cet effet, nous avons déjà regardé ce que Jésus dit au sujet du pouvoir qui détruit la vie, résumé au verset 26 de Matthieu chapitre 20 : « Vous savez que les chefs des peuples les commandent en maîtres et que les grands personnages leur font sentir leur pouvoir.» Il s’agit d’une attitude d’orgueil et de supériorité devant les autres, justifiée par une dureté de coeur convaincue que « je mérite l’honneur… plus que les autres… plus que Jésus lui-même ».

Toutefois, il y a ici un défi de taille, à savoir, que faire si on exerce du pouvoir, tout en étant chrétien ? Par exemple, vous fondez votre propre compagnie ayant des gens travaillant pour vous. Vous exercez une responsabilité administrative ou léglislative au sein du gouvernement. En tant que médecin ou avocat, vous prenez des décisions déterminantes dans la vie des autres. Vous êtes juge, policier ou militaire. Est-ce possible d’être chrétien ou chrétienne tout en ayant un métier où on exerce un pouvoir réel ?

Or, selon les versets 25 à 28, Jésus dit que ceci est possible, mais difficile. Voici comment il le dit:  « 25 Alors Jésus les appela tous et dit ‘Vous savez que les chefs des peuples les commandent en maîtres et que les grands personnages leur font sentir leur pouvoir. 26 Mais cela ne doit pas se passer ainsi parmi vous. Au contraire, si l’un de vous veut être grand, il doit être votre serviteur, 27 et si l’un de vous veut être le premier, il doit être votre esclave: 28 c’est ainsi que le Fils de l’homme n’est pas venu pour se faire servir, mais il est venu pour servir, et donner sa vie comme rançon pour libérer une multitude de gens.’»

Il est donc possible de vous servir de votre position de direction pour faire épanouir la vie des autres. Toutefois, comment le faire? En guise de réponse, je vous prie de retenir une seule phrase que voici : Lever les yeux vers l’autre. Actuellement, et au travers de l’histoire, il y a de différentes manières de regarder notre prochain.  On peut détourner les yeux des autres pour les traiter sans honneur ou même avec du mépris. Ou bien, on peut regarder les autres d’un piedestal, d’un air supérieur. Ou encore, on peut regarder les autres droit aux yeux, comme nos égaux. Jésus, lui, appelle ses disciples  à adopter une attitude radicale, à savoir: lever les yeux vers les autres en étant vous-même à genoux devant eux. Il y aura deux choses à mieux comprendre dans ce regard : (1) Pourquoi Jésus lève les yeux vers nous; et (2) Comment vous pouvez lever les yeux vers l’autre.

(1) Pourquoi Jésus lève les yeux vers nous. Jésus dit une chose extraordinaire qui nous dépasse. Il se met à genoux devant nous pour nous regarder comme s’il est notre serviteur, comme notre esclave ! Comment est-ce possible ? Jésus notre serviteur ? Il nous voit tel que nous sommes véritablement : spirituellement esclaves. Le verset 28 le dit ainsi : «Le Fils de l’homme n’est pas venu pour se faire servir, mais il est venur pour servir, et donner sa vie comme rançon pour libérer une multitude de gens ».

Il vient pour nous libérer, car nous sommes prisonniers de l’égoïsme de notre cœur…esclaves de notre mépris pour Dieu et pour notre prochain…incapables de voir emprise de Satan sur notre coeur.  Bref, nous sommes spirituellement et moralement sans espoir, sans avenir, sans liberté. Cette compréhension de notre état spirituel ne reçoit pas beaucoup de bonne presse, ni au Québec ni en Occident. La tendance majoritaire est de nous voir comme en étant véritablement libres : libres de changer notre cœur, libre de faire le bien, libres d’être bons. Bref, nous caressons une image de soi plutôt progressiste, innovatrice et moralement élevée.

Jésus, par contre, est plutôt contre-culturel,voir choquant ! Il ne dit          ni « Suivez mon exemple pour devenir moralement meilleurs » ni « Soyez plus forts, plus résiliants…vous pouvez le faire. » Il vient jusqu’à nous, à genoux, en disant « Je prendrai sur moi tout votre péché, votre égoïsme, votre mal, vos blessures. » Il se met à genoux et leve ses yeux vers nous en disant « Voici combien je vous aime ! » Il devient notre substitut. Il paie le prix en se faisant clouer sur une croix, pour y subir la justice de Dieu que mérite notre vrai état d’âme. Il devient notre esclave,  afin que nous soyons pardonnés à tout jamais, afin que nous soyons libérés de toute condamnation.

Or, voici pourquoi ceci est si important: vous ne pourrez pas lever les yeux vers l’autre à moins de voir Jésus en train de vous regarder, à genoux devant vous. C’est seulement lorsque votre cœur est percé par son regard de grâce que vous pourrez lever les yeux vers les autres. Seule la grâce de Jésus pour vous puisse transformer le pouvoir, afin pour que vous puissiez vous en servir pour faire épanouir la vie des autres. Si…l’un de vous veut être grand…l’un si l’un de vous veut être premier. Alors, comme chrétiens, y a une place pour prendre de l’initiative… pour assumer de la responsabilité…pour occuper une place d’influence. Mais uniquement si vous exercez ce pouvoir en vous mettant à genoux, pour lever les yeux vers les autres. Alors, comment, regarder l’autre en étant soi-même à genoux ?

 

(2) Comment pouvez-vous lever les yeux vers l’autre ? En guise de réponse, j’attire votre attention aux versets 12 à 17 de Colossiens, chapitre 3: «12 Vous faites partie du peuple de Dieu ; Dieu vous a choisis et il vous aime. C’est pourquoi vous devez vous revêtir d’affectueuse bonté, de bienveillance, d’humilité, de douceur et de patience. 13 Supportez-vous les uns les autres ; et si l’un de vous a une raison de se plaindre d’un autre, pardonnez-vous réciproquement, tout comme le Seigneur vous a pardonné. 14 Et par-dessus tout, mettez l’amour, ce lien qui vous permettra d’être parfaitement unis. 15 Que la paix du Christ règne dans vos cœurs; c’est en effet à cette paix que Dieu vous a appelés, en tant que membres d’un seul corps. Soyez reconnaissants. 16 Que la parole du Christ, avec toute sa richesse, habite en vous. Instruisez-vous et avertissez-vous les uns les autres avec une pleine sagesse. Chantez à Dieu, de tout votre cœur et avec reconnaissance, des psaumes, des hymnes et des cantiques inspirés par l’Esprit. 17 Tout ce que vous faites, en paroles ou en actions, faites-le au nom du Seigneur Jésus, en remerciant par lui Dieu le Père.» 

Ici, l’apôtre Paul parle de vos relations avec d’autres chrétiens au sein de l’Église. Autrement dit, c’est au sein de la communauté chrétienne que l’Esprit Saint transforme progressivement nos motifs, nos paroles et notre façon d’être. Puis-je le dire autrement ? Vous pourrez lever les yeux vers l’autre dans le domaine public seulement si Dieu est d’abord en train de vous façonner dans vos relations au sein de l’Église. Lorsque vous apprenez à regarder les autres avec humilité au sein de l’Église, vous serez de plus en plus équipés pour servir comme patron, gérant, cadre, professeur, médecin, fonctionnaire…ou simple voisin dans votre rue ou quartier.  Alors, Paul décrit trois aspects de notre vie d’Église qui sont critiques pour former une attitude chrétienne positive face au pouvoir:   (1) une Église qui édifie; (2) une Église qui réconcilie ; (3) une Église qui adore.

D’abord, lever les yeux vers autrui, c’est vivre dans une Église qui édifie les autres. Le verset 12 le dit ainsi : «12 Vous faites partie du peuple de Dieu ; Dieu vous a choisis et il vous aime. C’est pourquoi vous devez vous revêtir d’affectueuse bonté, de bienveillance, d’humilité, de douceur et de patience.» Pratiquement ? Efforcez-vous de devenir quelqu’un qui écoute avant de parler ! L’apôtre Jacques dit « Chacun doit être prompt à écouter, mais lent à parler et lent à se mettre en colère.» (Jacques 1, 19) En général, ceux et celles qui mènent ont tendance à vouloir diriger des projets et à accomplir des missions. Bref, vous aimez organiser, diriger, persuader, afin que tout se passe comme vous voulez. Par contre, Paul met l’accent ailleurs: « Vous devez vous revêtir d’affectueuse bonté, de bienveillance, d’humilité, de douceur et de patience.» Il s’intéresse d’abord à la qualité des relations avec les autres. Alors, pour regarder autrui, la première chose à apprendre et à faire constamment, c’est ralentir pour écouter, comprendre et se compatir avec les autres. On ne peut pas se mettre à genoux à moins de ralentir en fonction de l’autre.

Ensuite, lever les yeux vers les autres, c’est vivre dans une Église qui réconcilie les gens à Dieu, et les uns aux autres. Au verset 13, Paul dit : « Supportez-vous les uns les autres ; et si l’un de vous a une raison de se plaindre d’un autre, pardonnez-vous réciproquement, tout comme le Seigneur vous a pardonné.» Dans nos relations au sein de l’Église, ce ne sera pas toujours beau. Il y aura des conflits et des blessures. Il y a des relations qui ne seront pas toutes pas guéries. Ce sera la même chose dans votre équipe au travail, dans votre compagnie, à l’école, dans votre bureau. Dans l’Église, toutefois, on apprend à confesser nos péchés, promptement et ouvertement. Nous y apprenons à demander pardon et à l’accorder à ceux qui nous en font la demande, surtout parce que vous savez à quel point Jésus vous a pardonné ! Comme responsable, vous serez critiqués, parfois justement et parfois injustement. Lorsque critiqué, nous pouvons y réagir avec impatience, même de façon agressive. Au sein de l’Église, nous apprenons à accepter des critiques et à prier avec ceux et celles qui les formulent à notre égard. Ainsi, dans la vie publique, notre coeur devient plus disposé à accepter des critiques, mais aussi à prendre de l’initiative pour promouvoir de la réconciliation dans un climat de travail marqué par des critiques. Ainsi, en ayant une position de pouvoir, vous pourrez prendre l’initiative pour intervenir…avec humilité. Dieu vous accorde cette autorité précisément afin de cultiver une ambiance non pas de perfection, mais de réconciliation à travers les peines et les douleurs de nos relations humaines.

Finalement, lever les yeux vers l’autre, c’est vivre au sein d’une Église qui adore Dieu.  J’attire votre attention surtout au verset 17 : «Tout ce que vous faites, en paroles ou en actions, faites-le au nom du Seigneur Jésus, en remerciant par lui Dieu le Père.» L’Église  a désespérément besoin d’hommes et de femmes qui agissent simplement parce qu’ils désirent adorer Jésus et remercier Dieu le Père. Souvent, cette réalité se vit par la façon dont vous vous servez de la Bible : ou bien de façon autoritaire comme un marteau pour arrêter toute discussion, ou bien de manière serviable, comme une main tendue qui invite à voir et à adorer Dieu. Or,  dans l’adoration de l’Église, nous sommes tous à genoux devant notre Seigneur et Sauveur, devant sa parole. C’est l’adoration, en public, au coeur de nos villes et villages qui nous donne le courage de se mettre à genoux en servant les autres, selon sa Parole, simplement par gratitude envers Dieu pour sa grâce envers eux.

« Le pouvoir à tendance a corrompre, et le pouvoir absolu à corrompre absolument.» Certes, cette tentation est bien réelle et il ne faut jamais la sous estimer. Par contre, Jésus nous dit que nous pouvons nous servir du pouvoir qu’il nous donne pour bénir les autres, mais seulement si nous le laissons nous servir comme notre substitut et serviteur. Alors, aidons-nous les uns les autres à fuire la tentation de détourner vos yeux des autres. Aidons-nous les uns les autres à repousser tout désir de regarder autrui d’un air hautain. Aidons-nous les uns les autres à refuser même de les regarder droit dans les yeux ! Jour après jour, efforcons-nous de nous mettre à genoux afin de lever les yeux vers les autres. Encourageons-nous, ensemble, à nous mettre à genoux devant Jésus, pour regarder Celui qui s’est donné pour nous…parce qu’il nous aime tant.

  • J.G. Zoellner