Moins de nous, plus de Jésus ( 1 de 2 )

Combien parmi nous aiment la poésie ? Achèteriez-vous des billets pour une soirée de lecture de poésie à la Place des Arts ? Jésus, lui, aime la poésie. Il est lui-même poète. Un jour, assez tôt dans son ministère, il se retire dans une place tranquille sur une colline proche de la ville de Capernaüm sur la côte nord du Lac de Galilée. Ses disciples, eux, laissent les foules en bas et montent la colline pour se joindre à lui. Une fois assis ensemble, Jésus raconte un poème que nous appelons souvent «les Béatitudes».

Il est sans doute un poème que Jésus, et ses apôtres, répètent souvent pendant son ministère, surtout aux gens qui deviennent ses disciples. Voici ce poème, aux versets 3 à 12 du chapitre 5 de l’Évangile de Matthieu:

3  Heureux ceux qui se savent pauvres en eux-mêmes, car le Royaume des cieux est à eux !                                                                                                                                                 4 Heureux ceux qui pleurent, car Dieu les consolera !                                                                                     5 Heureux ceux qui sont doux, car ils recevront la terre que Dieu a promise !                                           6 Heureux ceux qui ont faim et soif de vivre comme Dieu le demande, car Dieu exaucera leur désir !                                                                                                                     7 Heureux ceux qui ont de la compassion pour autrui, car Dieu aura de la compassion pour eux !                                                                                                                 8 Heureux ceux qui ont le coeur pur, car ils verront Dieu !                                                                             9 Heureux ceux qui créent la paix autour d’eux, car Dieu les appellera ses fils !                                       10 Heureux ceux qu’on persécute parce qu’ils agissent comme Dieu le demande, car le Royaume des cieux est à eux !
11 Heureux êtes-vous si les hommes vous insultent, vous persécutent et disent faussement toute sorte de mal contre vous parce que vous croyez en moi.                                                                                 12 Réjouissez-vous, soyez heureux, car une grande récompense vous attend dans les cieux. C’est ainsi, en effet, qu’on a persécuté les prophètes qui ont vécu avant vous.

Aujourd’hui, en Occident, nous sommes un peu surpris par cette façon d’enseigner, car elle n’est pas très directe et pratique. Nous sommes une société qui aime la technologie et les résultats mesurables. Alors, nous voulons vite savoir que faire ! Par exemple, voici quelques-unes de nos questions préférées: «Qu’est-ce que je dois faire ?» ou « Quel est notre plan d’action ?» ou « Quel est l’horaire à suivre ?» Nous aimons des pistes pratiques et des guides d’usage.

Or, Jésus aurait pu le faire ici, avec ses disciples, mais il choisit de raconter un poème. Pourquoi ? Parce que si vous voulez suivre Jésus, vous aurez surtout une relation à vivre plutôt qu’un code à suivre. Votre vie sera mouvementée, changeante, paradoxale, et parfois à contre-courant de la société. Or, pour expérimenter cette relation complexe et grandissante avec Dieu, nous avons besoin de découvrir des profondeurs de la vie que la poésie seule puisse nous révéler. Pour illustrer cette réalité, considérez la musique que nous chantons chaque dimanche. Ce sont des prières en poésie. Mais pourquoi chanter la prière ? Et pourquoi chanter la prière en forme poétique ? Eh bien, parce que la musique transforme notre expérience de Dieu et notre relation avec lui d’une façon riche mais différente de celle de la prière dite «ordinaire». De plus, lorsque nous chantons nos prières, nous pouvons choisir de différents styles de musique pour savourer les différents «angles et couleurs» de notre relation avec Dieu.

Alors, aujourd’hui,  quelle partie de votre relation avec Dieu est-ce que Jésus veux nourrir par ce poème ? Dans le poème, il y a 9 (ou 10) couplets qui se répètent en se servant du même mot pour commencer chaque phrase. De plus, dans chaque couplet, Jésus décrit un contraste qui est source de tension dans notre vie. Finalement, dans la 2e partie de chaque couplet, Dieu lui-même intervient pour tout résoudre. Regardons de plus près !

D’abord, regardons les 8 couplets commençant par le mot «heureux». Ce mot grec (makarios) est un peu difficile à traduire. Il doit vouloir dire plus que «bonheur», car certaines situations soulevées dans ce poème sont difficiles, voir pénibles. Une possibilité est de traduire par « ça va bien pour ceux » ou bien «la vie vous sourit même si…» mais ces phrases n’arrivent pas à faire jaillir la profondeur de ce mot.

Plus juste, peut-être, est la phrase «je me sens soutenu par Dieu». Une image pour décrire le sens de ce mot (makarios) serait celle d’un tablier de pont couvert par les eaux d’une inondation, mais dont le pont tient malgré la forces des eaux. «Heureux» est celui dont le tablier tient devant (contre) le courant.

Ensuite regardez ces paradoxes dans la première partie de chaque couplet, car chacun soulève une tension profonde. Pourquoi ? Eh bien, il y a d’abord le contexte original, et ensuite votre vie aujourd’hui. Dans le contexte original, Jésus décrit ici tous ceux qui sont rejetés par la culture majoritaire. Jésus rassemble, comme ses disciples, ceux que nous pouvons appeler «la mauvaise bande» : les faibles, les lépreux, les aveugles, les sans force, les veuves et les orphelins, les persécutés et les rejetés…tous ceux que la culture dominante du 1er siècle appelle «impures», ceux qui ne pouvaient pas entrer dans le Temple, ceux qui n’étaient pas les vrais membres du peuple de Dieu !

Aujourd’hui, Jésus vous dit que vous aussi, vous aurez une vie difficile. Toutefois, ce poème offre une assurance profonde d’être soutenus au travers d’expériences de rejet, car Jésus, lui,  vous sera plus que suffisant. Le philosophe américain Dallas Willard vous invite à regarder chacun des couplets en vous posant la question « Etes-vous heureux ? »

Etes-vous heureux : le v. 3 – d’être au bout de votre rouleau ? ; le v. 4 – de tout perdre ? ; le v. 5 – d’être sans forces ? ; le v. 6 – d’être découragés par l’injustice ? ; le v. 7 – de porter la souffrance des autres ? ; le v. 8 – de chercher Dieu sans toujours le voir ? ; le v. 9 – de vous donner pour réconcilier des gens qui n’en veulent pas ?; le v. 10 – d’être déshonorés et rejetés ?

Jésus fait ressentir en nous une expérience profonde de notre vie chrétienne, à savoir, combien nous sommes dépassés par notre vie de disciple !  Combien il nous est difficile de ne pas nous décourager comme chrétien !                               …à suivre